Djaka !
Djaka Souaré est actrice, réalisatrice, productrice. Elle vient de réaliser son premier court-métrage, sélectionné dans plusieurs festivals de cinéma à New York! Dans Jazz in Wakanda, Djaka parle d'identité, de racines, d'ouverture et de force féminine, autant de sujets qui sont chers à cette 'citoyenne du monde' comme elle se définit elle-même... Rencontre passionnante avec une femme libre, belle, forte et engagée - et qui veut changer le monde!
Alors dis-nous Djaka, qui es-tu?
Qu'est-ce qui t'as poussé à vouloir devenir actrice?
Ton premier court-métrage vient de sortir, et a été sélectionné au Harlem Film Festival et au NY African Film Festival 2019! Raconte-nous!
Et ta casquette de productrice est venue comment?
A New York, j'ai eu une incroyable opportunité de produire des films et documentaires pour une grosse compagnie: j'y suis restée 3 ans et ça m'a vraiment formée en tant que productrice. Mais j'avais aussi envie de produire des films qui me parlaient à moi, alors à un moment il a fallu 'take a leap of faith' comme on dit. J'ai quitté cette compagnie en janvier dernier et me suis lancée en tant que productrice indépendante, pour évidemment aussi développer mes propres projets en tant qu'actrice et réalisatrice. C'était juste en plein mouvement #MeToo, avec des voix des femmes qui s'émancipaient enfin, ca m'a galvanisée, c'est un sujet qui bien sûr m'anime depuis toujours.
Et cela a joué un rôle important dans ton parcours?
Oui car je me suis impliquée immédiatement, dès que ça a commencé à bouger en fait, notamment grâce au mouvement Time's Up. Il faut savoir que j'ai commencé au théâtre à 6 ans, et à passer des castings ado, je suis dans cette industrie depuis que j'ai 16 ans... Je pense connaître un peu ce milieu, et j'ai une tonne d'anecdotes révoltantes. Sans compter celles des copines comédiennes. A New York je fais partie de l'association NYWIFT (New York Women in Film & Television), qui se bat pour que les femmes aient une voix dans l'industrie du cinéma. J'ai organisé plusieurs événements pour elles, au festival de Sundance et au festival de TriBeCa. Le nombre de femmes réalisatrices et productrices présentes dans les festivals ou qui réussissent à faire des films est une honte, tout ça sont des sujets qu'on peut enfin commencer à aborder, sans passer pour l'emmerdeuse de service ou l'ambitieuse bulldozer... Moi j'ai toujours su exactement ce que je voulais, et surtout ce que je ne voulais pas, je pense avoir une grande force de caractère par rapport à tout cela, même si ça affecte toujours énormément.
D'où te vient cette force de caractère?
J'ai été élevée par ma mère, il n'y avait que nous deux alors il fallait se serrer les coudes. Ma mère est d'une petite ville en Bourgogne, elle était puéricultice a Lyon quand elle a rencontré mon père (dont je raconte un peu l'histoire dans mon court métrage), qui lui avait fui la Guinée-Conakry, une dictature dont il a tenté de s'échapper 3 fois. Après avoir été jeté en prison plusieurs fois, il a réussi à arriver à Dakar puis Marseille... sans chaussures... et puis il a rencontré ma mère a Lyon dans un club de Jazz. A deux, ils sont montés a Paris, il n'y avait pas beaucoup de couples mixtes a l'époque. Je suis le mix de ces deux personnages, tous les deux très forts: le nom de famille de ma mère c'est 'Chevalier', a priori descendants des Chevaliers de la Table ronde; et du côté de mon père, on est les descendants d'une des 7 tribus royales de l'empire du Mali du roi Keita (c'est d'ailleurs l'histoire du Roi Lion!), la tribu des Mandingues. Donc deux personnes très fortes de leur passé.
Quel rôle a joué la 'force féminine' dans ta vie, dans ton parcours?
Ma mère a été une présence hyper importante dans ma vie: mes parents se sont séparés quand j'avais 6 ans, et mon père est parti poursuivre sa carrière d'acteur à Los Angeles. J'ai grandi dans un milieu middle class français, avec des hauts et des bas, mais avec une entente féminine hyper forte. Ma mère m'a toujours dit 'je te fais confiance à 100%, ne trahis pas cette confiance'! Elle était toujours derrière moi pour les devoirs (j'adorais l'école!), elle m'a appris à lire très jeune, j'ai eu très tôt une vraie culture littéraire et philosophique, et à 10 ans j'étais trilingue français - anglais - espagnol. Donc j'ai grandi avec beaucoup de culture autour de moi, même quand mes parents étaient encore ensemble: un de mes premiers souvenirs c'est Miles Davis à la télé, et puis la musique africaine, les rythmes Afro-Cubains,le jazz... et beaucoup de films de la MGM des années 30 à 60, comme Casablanca, Mogambo,... et puis Rita Hayworth, Clark Gable, Ava Gardner, Humphrey Bogart... j'ai grandi avec ce Hollywood de "l'ancien temps"! Je suis d'ailleurs une âme ancienne et nostalgique... et je ne suis pas très branchée réseaux sociaux (à part pour le travail), j'aime le vrai contact, les voyages, les vraies rencontres!
Ici on parle de cheveux: tu as quelle relation avec eux?
Petite, je voulais avoir les cheveux raides! Ça m'a pris un moment pour réaliser que c'était le critère beauté sociétal des films, des magazines qui faisait que tu étais "sexy". A part dans les magazines Africains, moi, je ne me voyais nulle part. Maintenant que ça a commencé à bouger, ça se mélange plus! Et je suis abonnée à des magazines où je vois des femmes qui me ressemblent! Je me souviens de ma mère qui me tirait les cheveux pour les démêler, mais ça me faisait mal! Ou qui avait vu mon père avec le peigne africain! Mais aujourd'hui je lui dirais 'non il ne faut pas les toucher ou à peine, il faut mettre des produits naturels et c'est tout!'. Mon anecdote personnelle hyper traumatisante: à 7 ans, je partais en Espagne tous les ans dans la famille de ma meilleure copine espagnole, et une année sa mère a décidé de me faire couper les pointes: mais la coiffeuse blanche espagnole ne savait pas ce qu'elle faisait! Elle a finit par me couper tout court, et je suis rentrée avec une tête de petit garçon..! C'était horrible... quand tu touches aux cheveux tu touches à l'identité, à qui tu es, c'est hyper intime...
Comment tu as appris à aimer tes cheveux? A quel moment c'est arrivé?
Quand j'avais 18 ans, je les lavais et je les mettais dans deux grosses tresses que je laissais la nuit, et comme ça au réveil ils avaient perdu leurvolume - c'etait comme si j'essayais de les lisser par tous les moyens!... Et mes copines me disaient "mais pourquoi? c'est trop beau! Tu as une force incroyable avec!" Mon entourage le voyait, mais pas moi, je n'y arrivais pas... Sûrement par manque de modèle. Et puis la vraie liberté je l'ai trouvée aux Etats-Unis, à 17 ans; j'ai vécu dans une famille afro américaine, et ils m'ont emmenée dans des endroits spécialisés avec des produits faits pour mes cheveux, et ça a été une révélation! En rentrant à Paris je suis allée à Barbès, je n'ai pas trouvé exactement les mêmes... c'était différent, plus "Antilles" et "Afrique", moins "Afro Americain"! Ensuite, quand j'habitais à Hong Kong, je me faisais envoyer des produits de France par ma mère, ça lui coûtait une fortune! Et dernière chose: trouver LE bon coiffeur c'est essentiel... Ici aux Etats-Unis j'ai trouvé de super coiffeurs qui comprennent et aiment mes cheveux.
Les 3 questions qu'on pose à toutes nos Shaeri girls:
Quel est ton #hairtop?
Quand j'ai enfin trouvé et acheté (pour la première fois de ma vie!) un sèche-cheveux: le sèche-cheveux idéal, avec un super diffuseur, que j'ai trouvé aux US chez Deva Curls! Il me fait les cheveux de Beyoncé, avec un volume incroyable... et c'est bête mais j'ai l'impression d'être une femme parce que j'ai enfin un sèche cheveux ;)) Je voyais ma maman avec un sèche-cheveux, mais moi je n'y avais jamais accès car normalement ça tue les boucles - mas pas celui-là!;)
Et ton #hairflop ?
J'avais 20 ans, et j'ai voulu tester un nouveau coiffeur qui venait d'ouvrir à Paris sur les Champs-Elysées: il était black, il venait de Londres, j'avais confiance! Et puis c'était l'époque de la mèche de Mariah Carey...: mais il a utilisé le fer à friser - c'était la première fois pour moi, et là je me rends compte que ça brûle complètement mes cheveux..! Puis il m'a coupé sur cheveux raides, avec une moitié de frange, et m'a persuadée de me faire des reflets violets....Bref, la cata... Maintenant, quand un coiffeur me propose un truc que je ne veux pas pour mes cheveux, je sais dire non!! Les coiffeurs sont souvent frustrés de juste "couper les pointes"...
Et puis aussi j'ai une vraie phobie: c'est que mes cheveux brûlent! Un jour où j'étais avec des copines à une soirée dans un appart, les cheveux bouclés d'une fille ont pris feu, elle était près d une bougie. Mes copines me parlent encore de la tête d'horreur pure que j'ai faite, elles me disent qu'elles ne l'oublieront jamais. J'avoue que c'est ma hantise!
Et as-tu un #hairtips ?
J'utilise de l'huile de coco vierge tous les jours pour hydrater et nourrir mes cheveux, c'est vraiment top. Et aussi de temps en temps je ne les lave pas pendant genre 5 jours: c'est hyper rare mais ils adorent!
Enfin, dernière question: quelle est ton actualité?
Je vient de tourner Nairobi, un court métrage écrit et dirigé par Philip Youmans (un tout jeune réalisateur de 19 ans qui vient de remporter le grand prix du Tribeca Film Festival 2019 pour son long-métrage "Burning Cane"), produit par Solange Knowles et son agence de production - elle est fan de ce jeune et talentueux réal! Nairobi parle des communautés musulmanes et ouest africaines de Harlem et Uptown - et j'y tiens le premier rôle, je suis super fière...
Shaeri ❤️ Djaka